
Même si la Guignolée est terminée depuis un mois et que le temps des fêtes achève, on peut constater que la charité est toujours à l’ordre du jour. Les médias locaux et nationaux ne cessent de dénombrer les multiples dons et collectes de fond des organismes communautaires. Cependant, dans chaque article, chaque nouvelle, une constante revient : la participation des biens nanti-e-s au processus de charité. Les exemples sont nombreuses, que ce soit les porte-paroles de la Guignolée 2008 à Drummondville, nul autre que Serge Leroux et Louis-Jacques Laferté, respectivement propriétaires de Toyota, Honda et Mazda Drummondville et du Centre de rénovation Laferté
[1], bref deux très bien nanti-e-s la ville ou bien encore le président du comité de campagne de Centraide à Drummondville, Patrick Boissonneault
[2], président du groupe Boissonneault immobilier. Que doit-on en juger ? Que les riches de Drummondville ont un grand cœur et se soucient de la situation des gens précaires ? Où bien qu’ils cherchent ici à se faire une image publique positive tout en pensant faire leur action citoyenne charitable de l’année, légitimant leur richesse ? Mais il y a plus, même si Messieurs Leroux, Laferté et Boissonneault sont probablement incapables de faire l’analyse, le principe de la charité va totalement en accord avec leurs intérêts et leur idéologie capitaliste.
D’abord, ce n’est probablement pas une surprise pour personne ; même si Leroux, Laferté, Boissonneault et autres sont convaincu-e-s de faire une bonne action charitable, ils ont d’autres motivations bien plus grandes que seulement «aider les pauvres». D’abord, cela leur permet de se créer une image publique positive aux yeux de la population ce qui aidera bien sur à leur compagnie et peut-être à une éventuelle carrière politique. Il s’agit ici également d’une publicité de choix pour leurs entreprises puisque évidemment les logos de ces derniers apparaitront bien en vu sur les affiches de l’évènement ainsi que dans les médias, crédits d’impôts en prime! S’associer à des causes sociales est évidement positif pour l’image de marque. Malgré tout, il est quand même possible de constater d’importantes contradictions pour les entreprises s’impliquant dans les œuvres caritatives. Prenons par exemple M. Boissonneault qui est propriétaire de nombreux blocs appartement, principalement aux alentours du cégep, qui loue justement ses immeubles à des étudiants et étudiantes précaires et gageons qu’il ne leur fait pas de faveur pour les prix. S’il avait vraiment à cœur la situation des gens dans le besoin, peut-être baisserait-il d’abord le prix des ses appartements ?
La participation des riches aux activités de charité peut aussi servir de processus de rationalisation. En effet, plusieurs gens aisés doivent vraiment croire à la bonté de leur action. Par exemple, croire qu’en participant à la Guignolée, M. Bourgeois est une personne impliquée socialement, qu’il a une conscience. Bref, M. Bourgeois croit mériter sa richesse puisqu’il en fait bon usage et qu’il est généreux. Hors, même si M. Bourgeois l’ignore surement, la charité est un concept qui s’insère à merveille dans le libéralisme économique et qui finalement, en bout de ligne, profite bien plus aux riches qu’aux pauvres.
Quoi ? La charité profite bien plus aux riches qu’aux pauvres questionnerez-vous ? Examinons de plus près … La charité est une initiative privée et individuelle ce qui veut dire que c’est à chacun de décider combien ou comment il donnera et ce, de façon personnelle. Se préoccuper de la condition des autres devient donc une préoccupation individuelle que chacun peut avoir ou non. Hors la condition de nos concitoyen-ne-s nous concerne tou-te-s et ce de façon collective. La charité mèn

e aussi à légitimer le désengagement de l’État dans les services sociaux. «À quoi bon offrir des services gratuits ? Si nous ne le faisons pas, des organismes le feront à
notre place avec de minimes subventions ?» Les organismes communautaires masquent donc l’absence de plan politique de lutte à la pauvreté et la précarité ainsi que les coupures dans les secteurs publiques. Bref, c’est pourquoi pour les tenants du capitalisme, la charité est le moyen de redistribution des richesses par excellence. C’est en bout de ligne bien plus payant pour M. Bourgeois de donner 15 000 ou 20 000 $ à des organismes que de payer ses justes parts d’impôts.
Finalement, mentionnons que la charité ne règle aucun problème de fond ; au mois de janvier, bien des travailleurs et travailleuses seront encore dans la précarité, des familles continueront à avoir faim et froid. Les inégalités sociales sont inhérentes à notre système économique. Ce n’est pas par la Guignolée ou avec la Tablée Populaire que ça va changer …
Abattons le capitalisme!
«Qu’il m’est insupportable de supplier les riches de m’accorder, au nom de Dieu, les miettes de tout ce qu’ils nous ont volé.» Extrait de : Le mendiant et le voleur. Ricardo Flores Magon
[1] http://www.journalexpress.ca/article-274550-Guignolee-les-benevoles-se-donnent-tout-un-defi.html[2] http://www.journalexpress.ca/article-287585-Centraide-recoit-5000.html