samedi 3 janvier 2009

Le grand cœur de l’élite économique de Drummondville ?

Même si la Guignolée est terminée depuis un mois et que le temps des fêtes achève, on peut constater que la charité est toujours à l’ordre du jour. Les médias locaux et nationaux ne cessent de dénombrer les multiples dons et collectes de fond des organismes communautaires. Cependant, dans chaque article, chaque nouvelle, une constante revient : la participation des biens nanti-e-s au processus de charité. Les exemples sont nombreuses, que ce soit les porte-paroles de la Guignolée 2008 à Drummondville, nul autre que Serge Leroux et Louis-Jacques Laferté, respectivement propriétaires de Toyota, Honda et Mazda Drummondville et du Centre de rénovation Laferté[1], bref deux très bien nanti-e-s la ville ou bien encore le président du comité de campagne de Centraide à Drummondville, Patrick Boissonneault[2], président du groupe Boissonneault immobilier. Que doit-on en juger ? Que les riches de Drummondville ont un grand cœur et se soucient de la situation des gens précaires ? Où bien qu’ils cherchent ici à se faire une image publique positive tout en pensant faire leur action citoyenne charitable de l’année, légitimant leur richesse ? Mais il y a plus, même si Messieurs Leroux, Laferté et Boissonneault sont probablement incapables de faire l’analyse, le principe de la charité va totalement en accord avec leurs intérêts et leur idéologie capitaliste.

D’abord, ce n’est probablement pas une surprise pour personne ; même si Leroux, Laferté, Boissonneault et autres sont convaincu-e-s de faire une bonne action charitable, ils ont d’autres motivations bien plus grandes que seulement «aider les pauvres». D’abord, cela leur permet de se créer une image publique positive aux yeux de la population ce qui aidera bien sur à leur compagnie et peut-être à une éventuelle carrière politique. Il s’agit ici également d’une publicité de choix pour leurs entreprises puisque évidemment les logos de ces derniers apparaitront bien en vu sur les affiches de l’évènement ainsi que dans les médias, crédits d’impôts en prime! S’associer à des causes sociales est évidement positif pour l’image de marque. Malgré tout, il est quand même possible de constater d’importantes contradictions pour les entreprises s’impliquant dans les œuvres caritatives. Prenons par exemple M. Boissonneault qui est propriétaire de nombreux blocs appartement, principalement aux alentours du cégep, qui loue justement ses immeubles à des étudiants et étudiantes précaires et gageons qu’il ne leur fait pas de faveur pour les prix. S’il avait vraiment à cœur la situation des gens dans le besoin, peut-être baisserait-il d’abord le prix des ses appartements ?

La participation des riches aux activités de charité peut aussi servir de processus de rationalisation. En effet, plusieurs gens aisés doivent vraiment croire à la bonté de leur action. Par exemple, croire qu’en participant à la Guignolée, M. Bourgeois est une personne impliquée socialement, qu’il a une conscience. Bref, M. Bourgeois croit mériter sa richesse puisqu’il en fait bon usage et qu’il est généreux. Hors, même si M. Bourgeois l’ignore surement, la charité est un concept qui s’insère à merveille dans le libéralisme économique et qui finalement, en bout de ligne, profite bien plus aux riches qu’aux pauvres.

Quoi ? La charité profite bien plus aux riches qu’aux pauvres questionnerez-vous ? Examinons de plus près … La charité est une initiative privée et individuelle ce qui veut dire que c’est à chacun de décider combien ou comment il donnera et ce, de façon personnelle. Se préoccuper de la condition des autres devient donc une préoccupation individuelle que chacun peut avoir ou non. Hors la condition de nos concitoyen-ne-s nous concerne tou-te-s et ce de façon collective. La charité mène aussi à légitimer le désengagement de l’État dans les services sociaux. «À quoi bon offrir des services gratuits ? Si nous ne le faisons pas, des organismes le feront à notre place avec de minimes subventions ?» Les organismes communautaires masquent donc l’absence de plan politique de lutte à la pauvreté et la précarité ainsi que les coupures dans les secteurs publiques. Bref, c’est pourquoi pour les tenants du capitalisme, la charité est le moyen de redistribution des richesses par excellence. C’est en bout de ligne bien plus payant pour M. Bourgeois de donner 15 000 ou 20 000 $ à des organismes que de payer ses justes parts d’impôts.

Finalement, mentionnons que la charité ne règle aucun problème de fond ; au mois de janvier, bien des travailleurs et travailleuses seront encore dans la précarité, des familles continueront à avoir faim et froid. Les inégalités sociales sont inhérentes à notre système économique. Ce n’est pas par la Guignolée ou avec la Tablée Populaire que ça va changer …

Abattons le capitalisme!

«Qu’il m’est insupportable de supplier les riches de m’accorder, au nom de Dieu, les miettes de tout ce qu’ils nous ont volé.» Extrait de : Le mendiant et le voleur. Ricardo Flores Magon

[1] http://www.journalexpress.ca/article-274550-Guignolee-les-benevoles-se-donnent-tout-un-defi.html

[2] http://www.journalexpress.ca/article-287585-Centraide-recoit-5000.html

3 commentaires:

Pierre-Luc a dit…

Je considère que cet article manque de rationalisme et de sens critique. Premièrement, c’est une vision assez unilatérale que de ne voir que les mauvais côtés de la charité. Deuxièmement, il ne faut pas juger les éléments de la société actuelle sans tenir compte de la réalité sociale, sinon c’est sur que tout est le mal en personne… Troisièmement, le texte est trop long pour ne dire que très peu.

La charité, c’est effectivement un concept capitaliste, mais qui vient en réponse aux inégalités sociales. Et toutes les personnes qui arrivent à en profiter un petit peu, il ne faut pas les oublier. La Tablée populaire fait un travail de réinsertion social et de responsabilisation des individus, bien plus que le bien-être social. Les actions étatiques ont aussi leur limite… Je suis contre le capitalisme, mais votre vison est beaucoup trop déconnecté de la réalité. Si le capitalisme est un vieux char qui ne fonctionne pas avec des bons freins, ne chialons donc pas contre les freins. Je ne dis pas que le concept de charité est parfait, mais bien qu’on ne doit pas s’y attarder puisque ce n’est pas la source du problème.

En plus, il ne faut pas généraliser que les riches sont tous des profiteurs individualistes. Dans votre article, vous oubliez aussi de faire la distinction entre une entreprise et son propriétaire. Oui l’entreprise donne pour l’image publique, mais une entreprise n’a pas de conscience. Vous oubliez néanmoins tous ces propriétaires et ces riches personnes qui donnent de façon anonyme. Croyez-vous en l’être humain ou pas???

Soyez dont réaliste et ouvert d’esprit un peu…

Oui la charité apporte un problème au niveau idéologique, mais dans la réalité sociale actuelle, ne parler donc pas contre ce système. Il y a bien d’autres problèmes dans notre société sur lesquels nous devrions nous pencher.

Antoine a dit…

Ce texte est en réation au commentaire de Pierre-Luc. Je crois que tu as mal saisi l'essence du texte de Chloé. Le texte critique globalement le principe de charité, et non pas ce qu'elle peut rapporter en bien-être à court terme aux gens pauvres. Bien sûr la charité permet à une quantité non-négligeable de personnes pauvres de survivre ou de mieux vivre. Ce n'est tout de même pas une raison de ne pas la critiquer. Le principe même de la charité ne remet pas en cause les inégalités sociales inhérentes au capitalisme. Il n'atténu mêmes pas les antagonismes de classe (c'est-à-dire les inégalités sociales) tout simplement parce qu'il ne touche jamais à ce qui crée les inégalités:le capitalisme.

Pour ce qui est du travail de la Tablée populaire, c'est toujours la même chose. La Tablée aide des individus à court terme et c'est bien. Mais, on reste toujours à vouloir changer l'individu, tout comme les travailleurs sociaux. Si tu es socialiste, anti-capitaliste ou je ne sais trop, tu devrais comprendre que ce n'est pas en changeant les INDIVIDUS un à un que l'on change la société, mais c'est bien en changeant le fonctionnement de la société (par exemple, appropriation en commun des moyens de production) que l'on va changer les rapports sociaux entre les individus.

En passant, oui, les riches sont tous des profiteurs individualistes. Non pas parce qu'ils le veulent nécessairement ou qu'ils en ont conscience, mais plutôt à cause de leur fonction sociale (propriétaires du capital et acheteurs de la force de travaile, par conséquant, exploiteurs).

En conclusion, la charité peut être facilement comparée au travail social (come je l'ai fait plus haut) et au syndicalisme réformiste. Le syndicalisme est une bonne chose puisqu'il est une forme de l'organisation indépendante du prolétariat et qu'il permet l'élaboration d'une conscience de classe. Cependant, si le syndicalisme ne remet pas en cause le capitalisme comme système d'exploitation et ne se borne qu'à de petits gains partiels (par exemple, une hausse de salaire de 25 cents!...) nous sommes en plein droit de le critiquer fermement, tout comme on peut le faire du travail social et de la charité.

En passant, je suis pas mal sur que tous les membres de notre organisation croient en l'être humain. Sinon, nous ne serions que des nihilistes que ne font rien de leur vie ou des socialistes authoritaires, et non pas des communistes libertaires!

J'espère avoir fait preuve de rationalisme, de sens critique, de réalisme et d'ouverture d'esprit.

Merci de participer au blog camarade Pierre-Luc.
Ta critique est constructive et appréciée.

DuFau a dit…

J'aurais quelques points à rajouter au commentaire d'Antoine avec lequel je suis complètement en accord.

Premièrement, Pierre-Luc dit que la Tablée Populaire fait un travail de réinsertion sociale et de responsabilisation des individus. Je suis tout à fait en accord, ce qui d'ailleurs fait d'eux un des rouages du capitalisme et du système politique actuel. En effet, la réinsertion sociale, qu'est-ce que ça veut dire, sinon aider la personne à se trouver un emploi, un appartement et rêver à un travail moins chiant ou à gagner le gros lot pour enfin se sortir de la merde, bref à devenir un sous-produit du capital? Et que veut dire responsabilisation des individus si ce n'est que d'apprendre à bien gérer son argent afin de pouvoir s'en servir pour consommer allègrement ou à bien se soumettre à son patron afin de trouver/garder un emploi?

De plus, j'aimerais rajouter un point sur les "généreux donnateurs riches qui ne pensent qu'au bien des petits pauvres en donnant à la Guignolée". Ceux-ci et celles-ci, en donnant pour une cause quelconque, vont bénéficier d'un crédit d'impôt. Or les impôts qu'ils ne paieront pas, ce sera pour une cause qu'ils et ils seuls auront choisi INDIVIDUELLEMENT (D'ailleurs, il existe une différence entre un acte individuel et un acte individualiste...). En choisissant, en quelques sortes, l'endroit où iront leurs impôts, cela leur confère un pouvoir énorme sur la société actuelle alors que la classe ouvrière doit se contenter de voir son argent gérée par l'État (c'est-à-dire par Jean Charest et son gouvernement), n'ayant pas les moyens de donner des gros montant en charité.